Le Cœur de l’ouvrage

1 mai 2019

La journée du 1ermai est l’occasion, dans le monde entier, de célébrer les combats passés et présents pour les droits des travailleurs. En ce jour de fête et de mobilisation, République souveraine salue tous ceux qui se battent aujourd’hui en France pour des conditions de travail dignes et une rémunération juste. Cette année, l’incendie de Notre-Dame est également l’occasion de réfléchir à un autre aspect : le sens donné au travail et la possibilité, pour celui-ci, de dépasser la logique étroitement marchande à laquelle il est aujourd’hui subordonné.

Alors que les cendres de Notre-Dame sont encore tièdes, le vrombissement des moteurs de l’impératif économique se fait déjà entendre. Il faut reconstruire vite… En cinq années, nous dit le Président ! Et puis vient la question, non pas de qui va payer – celle-ci semble déjà résolue – mais de qui va travailler à la reconstruction de ce monument vieux de huit siècles. Disposons-nous de suffisamment de tailleurs de pierre, de charpentiers ? Où sont les compagnons qui ont consacré leur jeunesse à une formation de haute qualité sans rechercher le profit immédiat ? Ils ne sont pas. 

Ils ont été orientés vers des fonctions en phase avec la société de consommation de masse : commerciaux VRP, téléconseillers, chauffeurs Uber ou livreurs Deliveroo… Le même Président qui aujourd’hui appelle à la reconstruction du bois et de la pierre voyait, il y a peu, pour les jeunes de banlieue, une seule alternative : Uber ou dealer. Pas de métier de l’art et de la culture, pas d’artisanat, non, juste de nouvelles mains pour satisfaire le vorace appétit de l’ogre consommateur.

Comment ne pas voir, dans l’agenda serré du Président, une nécessité de reconstruire un lieu de consommation ? Et surtout de ne pas manquer l’opportunité business des Jeux olympiques… Car derrière la façade de l’unité nationale mal interprétée par le Président, il faut discerner les zones touristiques internationales (ZTI) inventées par le même acteur dans un autre rôle. C’est au cœur de ces ZTI que se trouve l’édifice de la ville musée. Nous parlons de centaines de commerces ouverts sept jours sur sept, 364 jours par an, et accueillant chaque année des millions de consommateurs. Nous parlons aussi de leurs salariés et de leurs vies décalées… Cette nécessité de consommation fait loi pour le Président. Il en est l’incarnation lorsqu’il affirme que les jeunes Français doivent avoir envie d’être millionnaires pour se réaliser.

Mais quelle pierre et quel bois utiliserons-nous pour reconstruire si vite ? Quels travailleurs détachés – avec leurs conditions de travail dégradées et leur formation invérifiable – seront mobilisés pour que la charpente accueille au plus vite le nouveau flux de touristes-consommateurs ? Même la reconstruction prend des airs de foire avec les appels d’offres internationaux et autres projets architecturaux grotesques.

À Notre-Dame, nous admirions le travail humain : le travail qui rend fier le travailleur, les savoir-faire transmis de génération en génération, les gestes augustes inspirés par le ciel, les efforts au service de la beauté. Aujourd’hui, nous pleurons le fruit de ce travail pétri de sens, ce travail qui nous parle des hommes et nous révèle un peu de leur grandeur. Voilà pourquoi l’impatience présidentielle à rebâtir nous paraît sacrilège.

Comment ces bâtisseurs doivent-ils nous inspirer pour bâtir une société qui prend réellement le travail au sérieux ? Une société qui comprend qu’il faut travailler pour vivre bien sûr, mais que vivre, ce n’est pas seulement acheter et consommer… La reconstruction de Notre-Dame est une occasion unique de fournir un travail empli de sens et non de fabriquer un aimant à devises étrangères.

Dans le cadre d’une pleine souveraineté retrouvée, nous engagerons un mouvement pour redonner du sens au travail. Nous affirmons que nos efforts individuels participent d’un effort commun et que ce dernier nous permet de faire nation. La nationalisation des secteurs stratégiques du pays, la régulation de l’économie, le renforcement du droit du travail et la planification participeront à la refondation d’un destin commun dans lequel chacun pourra à nouveau trouver un sens à son travail.

Béatrice de Gourcuff
Responsable Travail de République souveraine
Co-fondatrice de Companieros, l’école du sens au travail

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